LA FABULEUSE HISTOIRE DE LA NUMERATION DES MONEGWASKX
par Bob d'Artois
Extrait du CT 82 du 01/01/2013
Selon beaucoup d'historiens, l'invention de la numération coïncide avec celle de la fiscalité. Il fallait en effet pouvoir évaluer les biens du contribuable.
Le peuple Monégwask fait exception : la fiscalité lui est inconnue... et pourtant il a inventé une technique de numération. Sa création répondait donc à d'autres besoins, plutôt liés à la vie courante de ce peuple attachant.
Voici donc l'histoire des Monégwaskx. (notez le pluriel en x)
Le Un : I
La culture de ce peuple se confond avec la vie d'un homme nommé Monak.
Monak n'est ni un Dieu ni un héros mythologique, il serait simplement le premier Monégwask ayant existé. Son histoire se transmet de génération en génération, souvent par écrit.
Au début Monak vivait seul dans son coin de jungle. Il pensait "je", "moi", il pensait "un". Un jour il vit son reflet dans une mare, ayant pris conscience de son apparence, il souhaita se représenter. Il le fit, comme nous-même, en dessinant un cercle pour sa tête et des traits pour son tronc et ses quatre membres.
De son réveil à son coucher, le seul souci de Monak était de trouver de quoi manger, c'est à dire du gibier. Ce gibier lui aussi se caractérisait par une tête, un tronc et quatre membres. Le dessin inventé par Monak lui permettait ainsi de représenter tout son univers.
Ce dessin devint une écriture quand il le simplifia en un trait ou un I et qu'il l'utilisa pour représenter des choses intangibles comme "je". Ce I signifiait donc homme, Monak, gibier, moi, je. Mais aussi le nombre un.
Le Zéro : U
Le temps passant, Monak croisa de plus en plus de ses semblables.
Il constata rapidement que cela coïncidait avec une raréfaction du gibier.
Si bien qu'un jour, il ne trouva rien à manger.
Monak, devant son écuelle vide découvrit la souffrance de la faim.
Ceci lui arrivant de plus en plus souvent il choisit un symbole pour le représenter : l'écuelle vide.
Ce symbole représentait le rien à manger puis le rien tout court, l'absence, le manque mais aussi la faim, puis plus tard la souffrance et la mort.
Il représentait aussi le zéro.
Il fut plus tard stylisé en un U.
Le Deux : A
Cette augmentation de la population eut un autre effet sur Monak.
Pendant longtemps Monak n'avait pas eu à différencier l'homme de la femme, les voyant tous deux semblables à lui et au gibier, il les représentait par le symbole du 1.
Du point de vue sexuel, sa réaction était celle d'un animal. Parfois il rencontrait un être et avait envie de s'accoupler avec lui.
S'il n'était pas repoussé, il le faisait et l'oubliait juste après.
Il ne le faisait donc qu'avec des femmes mais ne s'en rendait pas compte, les hommes ayant, pour lui, le même comportement que les femmes qui ne voulaient pas.
Un jour, la population croissant, il rencontra un groupe de femmes et dut choisir.
C'est là qu'il s'aperçut que certaines lui plaisaient plus que d'autres.
C'est ainsi qu'il rencontra Gwace.
Gwace ne repoussa pas Monak mais au contraire, quand il eut finit, lui demanda de revenir, ce qu'il fit plusieurs fois.
À partir de là, chaque fois que Monak avait envie, il cherchait Gwace.
Il ne se rabattait sur une autre que quand il ne la trouvait pas ou quand elle le repoussait.
En effet, les femelles Monégwaskx comme celle du règne animal avaient des envies liées à leurs périodes de fécondité.
Beaucoup de femelles signalent cette période au mâle en soulevant leur queue, mais les femmes Monégwaskx, ne pouvant le faire, se couvraient d'une jupe en peau qu'elles enlevaient lorsqu'elles souhaitaient l'accouplement. Mais les mâles Monégwaskx ne l'ont jamais compris.
Monak non plus.
Comme Gwace tantôt acceptait et tantôt refusait, il en vint à penser que c'était lié à la façon avec laquelle il lui proposait la chose, c'est ainsi que la séduction apparut chez les Monégwaskx.
Monak décida d'écrire un message galant à Gwace.
C'est là qu'il s'aperçut qu'il lui manquait un symbole.
Pour la première fois il ne pensait pas "je", "il" ou "elle", il pensait "nous", il pensait "deux".
Le symbole lui vint immédiatement, il dessina une femme, c'est à dire un homme avec une jupe.
Ne nous trompons pas, ce symbole ne désigne pas la femme mais le couple, le nombre deux.
Après des simplifications successives il devint un A.
Le Beaucoup : X
La notion de paternité est inconnue chez les Monégwaskx.
Ils voyaient le nourrisson comme un de leurs semblables en plus petit et plus bruyant.
De l'enfantement la mère ne retenait que le souvenir de la soufrance qui se représentait par un U.
Le mâle, lui, n'a jamais su faire le rapprochement entre deux actes aussi éloignés que l'accouplement et la naissance qui s'en suivait.
Le Monégwask mâle habitué au silence fuyait ces petits hommes dès qu'ils se mettaient à pleurer.
Les femelles faisaient de même sauf celles qui s'étaient aperçu que l'allaitement les faisait taire.
Trouvant cette méthode plus simple et plus agréable que la fuite, elles offraient leur poitrine à tout Monégwask pleurant à leur portée puis l'abandonnaient quand il avait fini.
Quand l'enfant avait de nouveau faim, il devait attendre qu'une autre femme passe par là.
Cet acte n'ayant aucun rapport avec la maternité, on a remarqué que les mâles Monégwaskx continuait à crier même à l'âge adulte, quand ils avaient envie de reposer leur tête entre deux seins et que les femelles gardaient la même réaction quelque soit l'âge.
Sachant cela, on aurait pu croire que la mortalité infantile fut plus importante chez les Monégwaskx que chez les autres peuples similaires.
Pourtant il n'en était rien car les Monégwaskx avaient l'oreille très fine.
Gwace, bien sûr, se comportait comme les autres.
Par contre, l'attachement qu'elle avait pour Monak créa chez elle un sentiment nouveau.
Elle ne tolérait pas que d'autres femmes s'approchent de Monak en sa présence.
De fait, le premier enfant qu'elle eut de Monak ne trouva qu'une femme dans son environnement et donc il s'allaita toujours chez la même.
Il fut aidé par le fait que Gwace se déplaçait peu, ceci ne lui étant pas utile car elle avait remarqué que Monak apportait assez de nourriture pour plusieurs.
Monak avait aussi remarqué que plus il ramenait de gibier, moins il avait à se fatiguer pour retrouver Gwace.
Les déplacements du gibier lui semblant suivre une logique plus simple que ceux des femmes il avait vite choisi cette solution.
Gwace de son côté, avait remarqué que l'enfant pleurait moins la nuit quand il y avait du feu, elle apprit donc vite à en faire tous les soirs.
Petit à petit, Monak trouva de plus en plus agréable de retrouver Gwace et un feu à chacun de ses retours et cet enfant qui ne pleurait jamais lui plaisait beaucoup.
Ce sentiment de bien-être à trois, il voulut l'écrire. Il lui fallait donc un symbole.
Il dessina une étoile qui représentait le feu autour duquel ils se retrouvaient.
Ce symbole signifiait bien sûr feu mais surtout famille.
Bientôt Gwace eu d'autres enfants mais l'impression de Monak restait la même, la famille était la famille quel qu'en soit le nombre.
C'est pour cela que les Monégwaskx n'ont jamais eu besoin de numération au dessus de deux, à partir de trois on était une famille.
L'étoile, qui finit par se représenter X, remplaçait tous les nombres de trois à l'infini.
Le X signifiait aussi la tribu, le village et le peuple Monégwask mais aussi la famille, le bien-être et le calme.
Il signifiait aussi Dieu.
En effet, le soir quand les feux des Monégwaskx parsemaient la plaine, ils voyaient aussi d'autres feux parsemer le ciel.
Ils en avaient déduit qu'il existait un autre peuple vivant comme eux mais inaccessible car dans le ciel.
Ce rapport des Monégwaskx avec leurs Dieux était un peu particulier, s'ils leur adressaient des prières, ils les traitaient en égaux.
Ils s'adressaient simplement à des semblables ayant les mêmes préoccupations, mais qu'ils ne rencontreraient jamais.
Mots et Nombres
Les Monégwaskx dessinaient dans la terre ou le sable. Ils entouraient leurs nombres d'un cercle et leurs mots d'un carré.
Les significations d'un même signe étant complexe, c'est le contexte qui permettait de trouver le bon.
Dans l'écriture évoluée Monégwask, le cercle est remplacé par des parenthèses et le carré par des crochets.
Exemple de traduction :
(A-I) = 1
[A-I] = femme
Exemple complexe :
"Trois enfants" s'écrit : (A+I)*[X-A]
Arithmétique de base :
Addition :
U+U=U
U+I=I
U+A=A
U+X=X
I+U=I
I+I=A
I+A=X
I+X=X
A+U=A
A+I=X
A+A=X
U est l'élément neutre et X l'élément "absorbant"
Soustraction :
X-U=X
X-I= A ou X mais ne peut être égal à U ni I
X-A= I ou A ou X mais ne peut être égal à U
X-X peut être égal à tout
Multiplication :
U*U=U
U*I=U
Etc.
U élément absorbant
I*U=U
I*I=I
Etc
I élément neutre.
A*U=U
A*I=A
A*A=X
A*X=X
X*U=U
X*I=X
X*A=X
X*X=X
Division :
X/U= X la division par zéro donne l'infini et l'infini se note X
X/I=X
X/A= 3/2 ou A ou X c'est une forme indéterminée qui ne peut être égale à U ni à I
X/X= I